D'où l'intérêt de la torche... [PV Aïedal]

D'où l'Intérêt de la Torche

« Par là bas, dans les montagnes... »

De toute sa vie – une vie dont la longueur commençait à creuser de minuscules sillons aux coins de ses yeux souvent rieurs, Faust n'avait jamais entendu quelque chose d'aussi imprécis. Ceci est bien sûr une hyperbole, mais je peux vous assurer que, étant donné la taille de ce qu'il cherchait et l'importance de sa quête, l'inutilité évidente de cette information avait bien le droit à une telle exagération. Le vieillard, lui-même auteur de la requête, la lui avait soufflée d'un ton désespéré, ne cherchant qu'une chose : dissimuler la difficulté de la quête derrière une détresse bien jouée.
Bien évidemment, Faust s'était laissé berner. En plus de cela, il s'était juré de toujours venir en aide à ceux qui étaient dans le besoin.
Oui, il était bien parti pour ne jamais s'ennuyer du reste de son existence.

Ainsi, le paladin s'était mis en route vers les montagnes, sans oser demander d'avantage de précisions puisqu'il était évident qu'il n'en aurait pas. Devant la maison du vieil homme qui le regarda partir silencieusement, Faust avait déployé ses grandes ailes blanches et s'était envolé, loin, loin... Jusqu'à disparaître dans les nuages. C'était mystique.
Il avait dégainé son épée machinalement, la gardant fermement à la main et prêt à affronter monstres et ennemis, ainsi qu'à se débarrasser des pigeons s'ils l'embêtaient trop.

Après trois bons quarts d'heure de vol ininterrompu, les montagnes dites « des nains » apparurent à l'horizon, dessinant d'abord des pics grossiers puis se précisant derrière l'épaisse couche de nuages dont le paladin s'extirpait, pointant le ciel de leurs sommets blancs et durs. L'ailé arrêta un instant de battre des ailes, faisant du sur-place en utilisant un courant ascendant pour ne pas choir afin de contempler la chaîne. Il songea un instant que ça n'allait pas être facile de trouver un « petit coffre de bois contenant la chose la plus – kof kof – précieuse que j'ai sur cette terre – kof kof kof – excusez-moi, Monsieur » dans un territoire aussi vaste. Mais il avait voué sa vie à cela : aider les autres. Certes, il ne s'agissait pas d'une question de vie ou de mort, pas aujourd'hui, pas en l’occurrence. Certes, la tâche était légèrement ingrate et ne semblait en rien urgente, si ce n'est peut-être que le commanditaire était en fin de vie et que cela aurait été sympa de lui ramener son précieeeeeeuuuux avant sa mort. Certes la récompense serait autre que la joie d'avoir sauvé des vies. Certes, il faisait moche et froid. Mais il était déjà passé par là.

En un vol fluide et sans se précipiter, Faust se laissa porter par les vents en alternant planage et coups d'ailes pour enfin atterrir sur un pan de la montagne la plus proche. Il choisit un terrain moins abrupt où quelques arbres avaient poussé et où un couple de bestioles herbivores paissaient tranquillement jusqu'à ce qu'il n'arrive. Les bêtes s'enfuirent prestement en sautillant sur les roches et disparurent dans un galop discret. Le paladin les regarda s'éloigner comme un enfant est systématiquement attiré par ce qui bouge puis tendit les bras pour faire craquer tous ses doigts un par un. Il jeta quelques coups d’œil autour de lui, inspectant le milieu sans avoir à bouger : à cette altitude, la montagne n'était encore que caillasse et ne présentait que quelques amas de neige épars, gris, dégoulinant et sales pour la plupart, piétinés par les animaux et les faibles rayons du soleil. La nature se battait avec le manteau blanc qui l'avait recouverte durant toute la saison et tentait de reprendre ses droits, aidée par un temps qui se réchauffait sensiblement.

Faust avait toujours préféré quand la neige montait jusqu'au genou, qu'elle était lumineuse et qu'elle tombait en abondance.

Il n'admira pas plus longtemps le paysage, d'autant qu'il y avait peu à admirer. Non, il se lança tout de suite dans sa recherche. Se basant sur un bon sens dont il était loin d'être dépourvu, il choisit de se mettre en quête d'une grotte, d'une cachette sympathique, voire même d'une cabane abandonnée s'il avait de la chance...
Généralement, on n'enterre pas un trésor au pif, au beau milieu des montagnes. Même quand on l'a volé, qu'on est devenu riche plus tard, qu'on a perdu toute sa fortune à cause d'un bête malentendu, qu'on s'est retrouvé dans un village perdu et que ce n'est plus la seule chose qui nous reste pour payer le seul médecin capable de nous guérir, kof kof. Même quand on est maintenant un vieux monsieur, qu'on ne sait plus où on a enterré son coffre et qu'on envoie un gentil paladin charitable le chercher parce qu'il est de passage et qu'il nous doit bien ça puisqu'on lui a vendu un livre sur les constellations.
Quoi que...

Lorsque l'ailé aperçut une tache sombre dans un large rocher, il pressa le pas. Très vite, il put distinguer la forme d'une antre taillée par la nature, adoptant l'apparence d'une gueule grande ouverte avec ses protubérances de pierre qui en rongeaient les contours et rendaient l'entrée plus périlleuse que l'on ne l'aurait cru. Comme qui dirait une grotte, si ce n'est un tunnel.
Un sourire ravi étira ses lèvres, bien qu'une petite voix dans sa tête lui ordonna de ne pas se réjouir trop vite. L'ange s'approcha lentement puis se posta à l'entrée, une main sur la roche.
Il inspecta l'intérieur. Enfin, il essaya. Il n'y parvint pas parce que c'était sombre et que ça n'aurait pas été juste si, en plus d'avoir des ailes, les anges avaient été nyctalopes.
Il plissa les yeux, inutilement. Non, il n'y avait rien à scruter dans cette obscurité.
Alors il fit un pas, bien obligé de se voûter pour ne pas se prendre une stalactite dans le nez ni se déchirer le dos, et s'avança à tâtons dans l'antre.
Quelques pas seulement, trois ou quatre, suffirent à lui signaler qu'il n'avait vraiment aucune chance de voir quoi que ce soit.

Parce que sinon, il aurait vu le truc mou contre lequel il s'était cogné.
Paf.

Faust fit un pas en arrière et se racla la gorge, très incertain.

† Ce matin là, ce fut non-pas un tambourinement assourdissant contre la porte de sa chambre qui tira Aïedal du sommeil, comme à l'accoutumé, mais un mince rayon de soleil tombant délicatement sur ses yeux. Le jeune Démon apprécia le réveil en douceur, goûtant enfin à la tranquillité de la solitude. Vivre dans une tour immense remplie de prêtres Humains tous plus fous les uns que les autres avait vite tapé sur les nerfs du nécromant. Aussi c'était-il proposé pour la première mission qui lui était permise d'accomplir. Rien de bien réjouissant de prime abord, mais cela lui permettait d'éviter la compagnie des magiciens de la Tour des Âmes pendant quelques jours, voir quelques semaines s'il s'y prenait bien.

† Il était donc actuellement en rase campagne, allongé sous un arbre des plus communs (un "kaliet'op", vous voyez le genre ?), méditant sur le contenu de son futur petit-déjeuner sous les cris pressants de son estomac. Mais si vous le voulez bien, nous passerons sous silence la prochaine demie-heure qu'Aïedal passa à s’empiffrer. Nous le retrouvons alors sur la route, se dirigeant d'un bon pas (celui de son cheval en fait) vers le Sud.

† Tout en marmonnant distraitement les paroles d'une chanson paillarde démoniaque (que vous aurez en spoiler si vous êtes sage), il jeta un œil à sa carte et à son ordre de mission. Il se repéra grâce au soleil, ajusta la direction de sa monture, puis relu le parchemin acquis à la Tour des Âmes.

« Un rapace, même gracieux,
Puissant mais juste, fendant les cieux,
Sans plume ne volera pas haut.
Même par son père poussé dans son dos,
Il finira par choir
En quittant son perchoir. »

† Aïedal soupira. Les prophètes étaient tous cinglés ! Pourquoi écrire un poème en vers alambiqués plutôt que de révéler précisément de quoi il retourne ? En lisant entre les lignes, le jeune Démon avait deviné qu'il devait aider un piaf... Un piaf tombé du nid. Rien d'extraordinaire, hein !? Mais au moins, ça lui permettait de souffler pendant quelques jours.

† C'est donc résigné qu'il arriva sur les premières collines délimitant le territoire des Nains, cherchant des yeux un oisillon tombé du nid. Bien entendu, il ne rencontra aucun bébé appelant à l'aide, si ce n'est les trois cadavres d'oiseau dévorés par on ne sait quelle créature sauvage. Et encore, ils n'appelaient pas à l'aide. Les oiseaux, pas les créatures sauvages. De toute façon, comment un cadavre (du moins, ce qu'il en reste) pourrait appeler à l'aide, hein ? Bref, revenons au vif du sujet.

† Deux jours durant, ne s'arrêtant que pour ménager sa monture, Aïedal chercha en vain une petite créature, s’enfonçant de plus en plus dans les montagnes. Le froid se fît intense, la respiration difficile, la fatigue plus présente. Le jeune nécromant n'aimait vraiment pas le froid, lui qui fut élevé dans les feux des guerres démoniaques. Mais c'était une expérience nouvelle, et, mis à part les quelques chutes que lui offrirent des plaques de verglas dissimulées, il en éprouva une certaine satisfaction. Oh certes, il avait dû faire fuir tous les animaux encore présents autour de lui à chaque fois qu'il s'affalait, avec les jolis mots colorés qu'il s'était empressé de hurler, tel que "PUTA**" ; "FAIS CHI**" ; ou encore "BORDEL DE ..." Bref ! Il était libre.

† Vous l'aurez compris, c'est dans une ambiance estivale, colorée, chaleureuse, qu'Aïedal découvrit (enfin) une fameuse grotte. Fameuse, parce que c'est dans celle là qu'un certain piaf va venir lui mettre un coup de pied dans les côtes, mais ça, on ne le sait pas encore. Il prévoyait tout d'abord de s'installer dans cet enfoncement rocheux afin d'y passer la nuit (en fait, il voulait y faire une sieste, mais ça fait pas héros, c'est moins classe quoi...), mais ses plans changèrent lorsqu'il aperçu que partir sans un matériel minimum de voyage était une mauvaise idée. Il aurait pu, par exemple, prendre une torche ? Ou encore, par exemple, un de ces bibelots volant dont se servaient les mages dans la Tour pour éclairer leur chemin ? Ou même, toujours à titre d'exemple, un silex et un peu d'huile pour se fabriquer lui même une torche ? Et bien non, Aïedal faisait dans l'original. Il partait à l'aventure avec rien. Ce qui était extrêmement rare et pas apprécié du tout ! Voilà sans doute pourquoi peu de gens lui demandait d'accomplir des quêtes pour eux. Voilà aussi sans doute pourquoi il se retrouva assommé par une saillie rocheuse, qu'il n'avait pas pu voir, faute de lumière.

† Quand au cheval me direz-vous ? Il s'est enfuit, apeuré par le bruit creux que fît la tête du Démon contre la roche. Et ce n'était pas la pierre qui était creuse...

† Oui, Aïedal était original. Mais au moins, il l'a faite, sa sieste.

Spoiler:

D'où l'Intérêt de la Torche

Le paladin se vit obliger de se retenir à la paroi intérieure de la grotte s'il ne voulait pas se viander en arrière, ce qui, en plus de faire mal à cause de ses ailes et de la roche, était ridicule. Il y posa donc une main comme solide appui, les yeux fixés sur la zone où, apparemment, il y avait un truc. Mais c'est un peu chaud de fixer une zone que l'on ne distingue pas du reste du paysage, en fait. Son cœur se mit à battre un peu plus fort et ses tempes à marteler, mais Faust n'avait pas peur. Non, franchement, ce ne serait pas super classe. Il craignait juste d'avoir énervé une créature qui pouvait s'avérer agressive et de devoir se battre dans l'obscurité. Donc ce n'était pas une question de peur.

Il serra le poing sur la garde de son épée qu'il gardait dégainée depuis plusieurs heures déjà et choisit de rester silencieux, histoire de laisser la parole à la chose dans laquelle il venait de shooter. Mais rien. Il retenait sa respiration depuis un moment quand ses poumons réclamèrent un peu d'efficacité, raison pour laquelle il se remit à expirer normalement. Ça remuait un peu, mais ça avait l'air dans une sorte d'état second, une somnolence légère, un sommeil de surface, une fin de réveillon, une bonne vieille cuite, voire, éventuellement, un petit coup d'opium... Bref, c'était mou et indolent. Pour le moment. Faust hésita. A faire quoi ? Bah, tout. Bouger, de manière générale. Il n'allait quand même pas lui planter son épée dans le gras, c'aurait été incivique. Mais il ne savait pas non plus s'il devait sortir... Après tout, c'était peut-être une personne mal en point qui avait besoin de soin, ou un animal blessé qui aurait aimé qu'on abrège ses souffrances... Dilemme. Oui, en tant que personne normale, sensée et tenant à votre vie, vous vous seriez barré dans la plus grande discrétion, je sais. Mais Faust n'est jamais discret. Non, je veux dire, Faust n'est pas une personne normale mais un paladin.

Evitant tout geste brusque mais ne pouvait éviter les protubérances de pierre, Faust se pencha lentement en essuyant une attaque fulgurante de stalactite qui prit son front d'assaut. Il jura intérieurement mais ne put retenir un grognement agacé qui s'échappa avant qu'il n'ait fini de se dire *Tiens ! Je ne devrais peut-être pas grogner, moi... Grogner, ça fait du bruit.*.

A sa grande surprise, le fait de s'approcher fut... Fut... Efficace ! Et oui. Il put distinguer une forme dans la pénombre et comprit qu'il s'agissait d'un truc vivant plutôt du style humanoïde, mais ça pouvait aussi être un singe. Ses ailes étaient meurtries par les stalactites et les stalagmites qui les forçaient à se tordre et enfonçaient leurs sommets griffus dans les muscles qui étaient à leur base. Fort heureusement, se qui se passe entre les plumes n'a aucun conséquence nerveuse... Demandez à un canard.

Ou à un ange, si vous en avez un sous la main.

Le paladin faisait des efforts surangéliques pour tenter d'y voir encore mieux dans l'obscurité de la grotte mais il était inévitablement déconcentré par les gestes de la chose qui pouvait bien être sur le point de se réveiller. Tout ce qu'il avait compris, c'était que ce n'était pas une personne mal en point qui avait besoin de soin, ni un animal blessé qui aurait aimé qu'on abrège ses souffrances, ni un singe. Donc il pouvait s'en aller ! Chouette.

Il se releva d'une imprudente rapidité, sans manquer de heurter une seconde stalactite, et marcha à reculons tout en forçant un peu sur ses ailes qui s'accrochaient n'importe où. Il mit un certain temps à s'extirper de l'antre, en partie parce qu'il devait faire attention à là où il n'allait pas voir qu'il mettait les pieds.

La chance lui souriait, visiblement. C'est du moins ce qu'il songea une fois sorti de la grotte, ce sans trop d'encombres.

Il s'arrêta un instant, jeta un coup d'œil par-dessus son épaule pour vérifier l'état de ses ailes, puis contempla, plein de fierté, le chemin qu'il venait de parcourir dans le noir et en arrière. A peu près trois mètres. Dingue.
Faisant craquer tous ses doigts un par un, le paladin regarda autour de lui en admirant la beauté des alentours, la neige grisâtre qui durcissait en une glace vicieuse, la… Non, en fait c'était tout ce qu'il y avait voir. Un instant, son esprit fut traversé par un rien affligeant qui lui fit oublier sa mission première. Revenant à la réalité, il poussa un léger soupir. Trouver un coffre qui était quelque part dans les montagnes. Voilà, c'était ça qu'il devait faire. Il avait passé en revue une petit trentaine de mètres carré, il n'était pas loin du but ! Faust passa une main dans ses cheveux et resta planté là un moment, comme un adolescent reste planté devant le b*rdel de sa chambre vingt minutes avant de commencer à la ranger.

…

« Bêêêêêh !!! » vint protester une sorte de bouquetin à trois cornes qui surgit de nulle part pour lui passer sous le nez, à quelques mètres de l'entrée de la grotte.

« Bêêêêêêêêêêh ! » répliqua un second, plus petit, qui suivait.

Faust les regarda passer, incrédule, les yeux grands ouverts. Deux secondes s'écoulèrent et un loup bondit de derrière les rochers, tout aussi rapide, la gueule béante… Et il disparut derrière le même sentier que les bestioles précédentes, sans même prêter attention à Faust.
Un interlude fort inintéressant, vous me direz, une scène de chasse comme on en voit partout et n'ayant rien d'inhabituel si ce n'est que tous les bouquetins ne font peut-être pas « Bêêêêh »… Et je suis d'accord.

Mais cela eut son importance, et en particulier pour le paladin, quand il réalisa que les bêlements des deux herbivores avaient sans aucun doute eut un écho dans l'antre.

Vous imaginez une telle sonnerie de réveil ? Il y a de quoi vous faire sauter au plafond, non ?

† Le bruit persistant arracha une grimace au jeune Démon. Une forme explosive apparue dans sa tête : celle de son mal de crâne. Une douleur insoutenable lui vrillait la cervelle tandis que ses oreilles étaient agressées par un son des plus étranges, une sorte de ricanement ininterrompu, venant de partout et de nulle part à la fois. Ce bruit insolite s'estompa enfin, comme s'il s'éloignait dans les profondeurs ténébreuses qui s'ouvraient devant Aïedal. Même si celui ci avait les yeux fermées, d'où les ténèbres, il y faisait vraiment noir comme un four tout autour de lui. Alors quand bien même il ouvrirait les yeux, il n'y verrait pas grand chose de plus. Il tenta tout de même l’expérience, certain de jeter un doute sur les paroles du narrateur. Sauf que bien entendu, le narrateur a toujours raison. Donc Aïedal était dans le noir... et il y restera tant qu'il me provoquera ! Non mais. S'il savait que j'ai le pouvoir de le tuer d'une simple ligne... Bref.

† Aïedal se releva péniblement tout en examinant à tâtons son crâne endolorit, poissant ses doigts d'un liquide tiède et gluant. Il en devina aisément la nature. Le coup reçu sur son sommet osseux, bien qu'il lui sonna quelques cloches, le ramena un peu à la raison : ce n'était pas ici qu'il trouverait un oiseau fatigué, et ce n'était surement pas l'endroit le plus stratégique pour faire une sieste. La grotte pouvait être l'antre de quelque animal dangereux, et affronter une créature féroce en étant assommé par une paroi rocheuse invisible n'était pas vraiment ce qu'il recherchait.

† Il sortit de l'antre noire à petits pas, s'éraflant le bout des doigts contre la roche irrégulière, et refit surface dans la lumière. Le temps que ses yeux s'habituent à la clarté soudaine, il les cacha d'une main, penchant la tête de côté comme pour se protéger d'avantage d'une lueur impossible à éviter. Quelques secondes plus tard, il se remit en mouvement, abaissant son bras et relevant le visage. Et c'est là qu'il le vit. L'apparition lui fît comme un choc. Jamais il n'avait vu pareille beauté, l'incarnation même de la grâce. Se tenant à quelques pas de lui, les yeux rivés dans les siens, Aïedal contempla muet d'admiration ce qu'il aurait pu comparer à un Ange tombé du ciel. Ses ailes s’ouvrèrent un instant alors qu'il apercevait le Démon, ses plumes batifolèrent le temps d'une respiration avec un courant d'air, lançant dans l'air un froufrou discret et sublime. Si Aïedal était si abasourdit par une telle apparition, c'était à cause de ses croyances. Les mythes de son peuple décrivaient ce volatile comme un symbole de puissance, de terreur et de barbarie. Voilà pourquoi l'aigle était le blason des hordes guerrières de la plupart des Démons.

† Croyant enfin avoir trouvé un indice quand à sa quête, Aïedal s'arracha à sa contemplation pour regarder un peu autour de lui, dans le but de s'approcher le plus discrètement possible de l'oiseau. A part quelques rochers mousseux, une trace d'une antique rivière asséchée, des nuages voletant, un Ange étonné, un lit de gravillons et une forêt presque invisible au loin, rien ne sortait de l'ordinaire.

† En lisant ceci, vous vous dite certainement qu'Aïedal n'est pas très intelligent. Comment intégrer dans la description du paysage un élément aussi important sans même s'en émouvoir ? Non, le jeune Démon n'était pas bête. Il l'avait bel et bien remarqué. Mais sa vivacité d'esprit lui intima de ne pas s'arrêter sur un détail aussi subtile. Au contraire, il le garda bien caché dans un coin de son cerveau, prêt à utiliser l'information à son avantage au moindre instant où il le jugerait nécessaire. En même temps, de la mousse sur un caillou alors qu'il fait 40 degrés à l'ombre et où il ne sévit que poussière et rochers, ce n'est pas courant, me direz-vous. Mais Aïedal ne s'en incommoda pas pour autant.

† Il se tourna plutôt vers l'Ange, fît un signe lent de la main vers sa bouche, et siffla :

- Shhhhhhhhhht !

† Puis il avança tout aussi lentement vers l'aigle, prêt à lui rendre hommage comme la coutume le voulait, à condition qu'il puisse l'attraper. Il n'avait pas fait trois pas que l'oiseau s'envolait, furieux d'avoir été dérangé dans sa contemplation du monde. Aïedal courut vers lui, maintenant désespéré, et sauta pour l'agripper. Non seulement il ne réussi pas son coup, mais ce fût quelque chose d'autre qui l'agrippa, à lui. Un bout de rocher perfide lui fit un croc-en-jambe en pleine action, et le Démon se retrouva étalé au sol, pour la deuxième fois dans la journée.

D'où l'Intérêt de la Torche

Lentement, très lentement, Faust se retourna vers l'entrée de la grotte histoire de ne pas être surpris par l'éventuel éveil de « la chose ». Il s'attendait à... Non, il ne savait pas à quoi s'attendre. Le pessimiste en lui s'imagina un monstre de trois fois sa taille (qui n'aurait par ailleurs jamais pu passer dans cette grotte mais peu importe) cornu, griffu, écailleux, avec les yeux jaunes, un rire sadique et guttural émit par sa groge déployée.

L'optimiste en lui s'imagina un petit lapin.

La créature qui émergea de l'obscurité se situait en fait entre les deux. Il s'agissait visiblement d'un démon, bien que rien n'eut été sûr, mais il n'avait rien d'impressionnant. Il avait plutôt la tête d'un quelconque humanoïde ayant été réveillé par un « Bêêêêêh » assourdissant, ce qui n'était pas tout à fait surprenant. Le regard du dormeur s'attarda sur un aigle qui s'était posé là sans que personne ne le remarque, sur un rocher, dans une stature majestueuse, fière et noble (tous ces mots étant synonymes). Faust le fixa lui aussi, admirant la beauté de son ramage et la dignité que son regard et que son poitrail bombé faisaient transparaître. L'ange demeura cependant très incertain de ce qu'il devait faire. Il était bien forcé de constater l'intérêt du démon pour l'animal, et plusieurs questions se bousculaient dans sa tête, notamment *Qu'est-ce que quoi de gheh ssssssss... ?*.

Lorsque l'inconnu fit signe au paladin de rester silencieux, Faust se sentit soulagé. Cela signifiait qu'il l'avait bel et bien vu et qu'il n'avait absolument rien à faire de sa présence. Il lui suffisait donc de s'exécuter, et tout irait très bien. La tâche n'avait rien de compliqué pour l'ailé qui en fait était silencieux depuis vingt minutes... Du moins, c'est ce qu'il cherchait à faire. Dans une caverne obscure dont les murs vous arrachent la peau et dont vous ne pouvez vous extirper qu'à reculons sur des rochers vicieux, c'est dur, mais sur de l'herbe et en plein air, beaucoup moins. Le paladin regarda les choses se faire tel un spectateur perplexe, attendant le moment où il pourrait s'envoler et repartir à la recherche de cette saleté coffre pourri dont il commençait à penser *Zut.*

Le rapace s'envola rapidement dans un bruissement d'ailes des plus distingués, comme annonçant son départ vers d'autres cieux... Faust eut une petite grimace de dépit, désolé pour le démon. Démon qui, dans un dernier espoir, se lança à la poursuite du volatile en un bond maladroit... Et inefficace. Son corps rencontra le sol dans un bruit sourd après avoir heurté une saillie rocheuse bien vicelarde.

Je vous informe avant que vous ne continuiez cette lecture que les anges sont humains. Je veux dire, dans le sens où nous l'entendons, nous. C'est à dire qu'ils ont les mêmes réactions que tout le monde. Certes, ils sont nobles d'esprit et portent assez bien leur nom, mais ils ont été dotés, comme nous tous, de ce que l'on appelle « le rire ».

Faust, éclata donc de rire. Et oui, voir quelqu'un se vautrer misérablement, c'est drôle. Le paladin ne put retenir ses zygomatiques et le fait de cacher le bas de son visage derrière sa main ne dissimula rien. Songeant aux conséquences de sa soudaine gaieté, il tenta de mettre fin à son hilarité, mais rien que le fait d'y penser le faisait rire davantage. Une dizaine de secondes s'écoulèrent pendant lesquelles la montagne fit raisonner le son de sa raillerie. Je précise néanmoins qu'étant un ange, Faust a un joli rire léger.

Comme pour se faire pardonner et ignorant le danger, il décida de s'approcher une fois calmé et de tendre une main sympathique vers le chasseur d'aigle. En réalité, l'image du jeune inconscient gauche étalé à terre après une chute spectaculaire remettait complètement en doute sa supposition première, à savoir le fait qu'il était un démon. L'image qu'il avait de ces créatures était bien loin de cela. Il songea donc que la moindre des choses était de lui venir en aide, advienne que pourra... D'autant que cette jeune personne l'avait vu et ne l'avait pas attaqué pour autant. C'était sans doute une mauvaise idée, mais c'était tout ce qu'il avait trouvé.

Se penchant donc vers le malheureux, il souffla un discret « Veuillez m'excuser... », attendant que son interlocuteur réagisse.

† Non seulement il était ridicule, mais en plus il avait mal ! S’étaler ainsi de tout son long avait quelque peu fait monter le rouge aux joues du Démon, effet accentué par le rire franc du personnage ailé. Grognant de malaise tout en s'asseyant, les jambes croisées, Aïedal se tint les côtes alors que l'inconnu s'approchait, retenant tant bien que mal son fou rire. Quand ce dernier lui tendit une main pour l'aider à se relever, soufflant une excuse le visage amusé, le jeune nécromant, bien qu'humilié, prit la main proposée sans jeter un seul regard vers son propriétaire, et se laissa tirer, bondissant sur ses pieds.

- C'est pas grave... J'ai connu pire...

† Prit d'un malaise, il lâcha la main de son interlocuteur. De par sa nature démoniaque, il ne supportait pas facilement la présence des Anges. Et, c'était certain, l'homme rieur en était un. La sensation éprouvée lorsque l'une de ces créatures était à proximité était très facilement reconnaissable. Il vivait cela presque tous les jours, à la Tour des Âmes, avec la Prêtresse non loin.

- Merci de votre aide.

† Il se détournait déjà lorsqu'il cru comprendre quelque chose. Ses yeux s'attardèrent sur les plumes ébouriffées, tâchées de sang de l'homme. Un doute l'envahi, comme un très mauvais pressentiment. Se pouvait-il que.. ? Non, impensable. Il ne se serait pas lui même condamné à cette torture tout de même ? Il tint à vérifier, quitte à passer quelques instant de plus avec l'être ailé.

- Êtes vous... Ne se... Ne seriez-vous pas dans le besoin, par hasard ? Un problème majeur vous torturerait-il l'esprit ? Un choix crucial à faire ? Ou quelque chose de déjà fait ?

† Aïedal criait presque ses derniers mots, tendu comme une corde d’arbalète, pressant l'Ange de lui répondre. Car cela commençait à correspondre. Le parchemin laissé par la Prêtresse citait un être ailé... mais pas forcément un oiseau ! Si c'était un Ange, le « père » évoqué était le Dieu unique des humains. Alors, cet Ange « sans plume » évoquerait un Déchu, « poussé par son père » dans les Ténèbres des enfers, rejeté par son ordre. Si tel était le cas, Aïedal devait aider l'Ange pour qu'il reste Ange, et ne devienne pas si puissant, si malsain, que la horde de Démons qui s'en prenait actuellement à la cité de Gyhelle serait en comparaison une aiguille plantée dans la cuisse d'un géant : indolore.

† Alors que son interlocuteur lui répondait, un loup hurla dans le lointain, mais Aïedal ne l'entendit pas, les yeux écarquillés par la peur. Si c'était vrai, si le parchemin parlait d'un Ange, si le parchemin parlait de cet Ange là, alors Aïedal devrait, pour sauver sa vie et celle de millier d'autre, éliminer la menace avant qu'elle n'en devienne une. Qu'importe les moyens.

† Qu'importe le temps qu'il faudrait.

Spoiler:

D'où l'Intérêt de la Torche

Bon. Donc on a dit que c'était un démon. Il vient de se faire réveiller par le cri d’une biquette. De se rétamer sur le sol après avoir tenté d'attraper un aigle. Et d'être humilié par le fou rire d'un paladin... Ouais, c'était p'têt pas une bonne idée de lui tendre la main, finalement. Peut-être bien que c'était même complètement suicidaire. Un éclair passa dans l'esprit de Faust, comme pour l'avertir du danger, lui ordonnant de faire demi-tour... Mais il était trop tard. L'ange devait terminer son geste. Il se contenta de se crisper intérieurement et de sentir monter la température.
Et voilà comment, encore une fois, un être vivant réalisa qu'il avait angoissé pour rien. C'est cela, osez prétendre que ça ne vous est jamais arrivé. Le paladin esquissa un léger sourire lorsqu'il sentit la main du démon dans la sienne, puis l'impulsion du corps du jeune homme qui se redressait. Ce dernier grommela quelques mots auxquels Faust répondit par un hochement de tête compatissant. Il hésita à lui faire savoir que lui aussi avait prit des gadins mais il songea qu'il ne fallait pas en faire trop, non plus... Le jeune démon lâcha sa prise de manière assez soudaine, ce que le paladin mit sur le compte de leurs natures respectives. Lui-même se sentait quelque peu déstabilisé lorsqu'il avait affaire à un démon, et en l'occurrence, le contact fut plutôt désagréable. Malgré tout, il fut remercié, ce qui confirma la relative bonté du personnage démoniaque ainsi que son pacifisme. Comme il savait si bien le faire, Faust inclina la tête vers l'avant et souffla un discret « Je vous en prie ». Un court silence s'installa pendant lequel le paladin ne remarqua absolument pas que le démon s'attardait sur lui et en particulier sur ses ailes. Non, Faust resta planté comme un poireau en terre, un sourire aimable sur les lèvres, les mains appuyées sur sa ceinture, laissant le vent jouer avec ses plumes, attendant patiemment qu'il se passe quelque chose. Lorsque le jeune démon s'adressa à lui, le paladin l'écouta poliment, les sourcils légèrement haussés en signe d'attention.

Les mots de l'inconnu l'amusèrent plus qu'ils ne l'intriguèrent et il mit un certain temps à répondre. Sans quitter l'expression joviale qu'il arborait depuis maintenant un moment, il lança son regard dans une autre direction et réfléchit.

« Euuuuh... Non. Il marqua une courte pause, farfouillant réellement dans son esprit pour trouver quoi que ce soit qui l'incommoderait en ce moment même. Enfin, il y a bien cette histoire de coffre qui commence à m'embêter, poursuivit-il, se demandant si par conséquent, le démon en viendrait à lui proposer son concours. Mais inutile de vous sentir aussi redevable, voyons, n'importe qui vous serait venu en aide ! Vous ne me devez aucun service, conclut-il après avoir chassé ses premières paroles d'un geste de la main. Dites-moi plutôt, pourquoi vouloir attraper cet aigle ? Parce que si c'est pour vous en faire un repas, je vous le déconseille, la viande d'aigle n'est vraiment pas agréable en bouche... En revanche, ces bestioles cornues, là... Je serais prêt à parier qu'elles peuvent être délicieuses, s'égara-t-il en perdant son regard dans le ciel, s'imaginant déguster une bonne pomme bien juteuse. Non, ça n'a rien à voir mais le fait de parler gastronomie lui avait rappelé les pommes du jardin du Monsieur-au-coffre qui avait eu la bienveillance de lui en offrir une. »

Faust redescendit brusquement sur terre et se tourna de nouveau vers son interlocuteur, attendant une réponse de sa part... Mais il sentit quelque chose le titiller dans le dos, une petite douleur vicieuse du genre à se faire oublier quand on bouge mais à vous empêcher de dormir. Un rictus agacé remplaça son allègre mine alors qu'il portait la main à la base de son aile. Une saillie rocheuse y avait fait une entaille et il constata une tache de sang relativement large sur ses gants. Faust prit un air exaspéré et soupira, levant les yeux au ciel. Agitant son aile pour tester sa mobilité, il s'aperçut que le mouvement le faisait légèrement souffrir. Mais il était en présence de quelqu'un et venait de laisser ce quelqu'un sur une conversation à propos de nourriture. Desserrant les dents, il s'excusa de nouveau pour faire comprendre au démon qu'il ne fallait pas prêter attention à sa blessure et qu'il était tout ouïe concernant la raison pour laquelle le jeune inconnu avait tenté de rendre l'oiseau captif.

† Conversation inutile, détournement de sujet. L’Ange ne semblait pas vouloir parler sérieusement avec Aïedal. A moins qu’il ne s’agisse d’un être à l’esprit égaré, volage. Mais cela ne pouvait être le cas, n’est-ce pas ? Le Démon ne répondit pas. La gastronomie ne l’intéressait que lorsqu’il avait faim. Il revint plutôt sur les quelques mots précédemment cités :

- Une histoire de coffre ? Qui vous tracasse grandement ?

Il fit une courte pause.

Voyez-vous, je vous suis redevable, quoi que vous puissiez en dire. Aussi permettez-moi de vous accompagner quelques temps afin de régler votre souci. J’insiste !

L’autre sembla désintéressé. Mais Aïedal tenta un coup de bluff.

- Il se pourrait que je sois moi-même dans cette région pour une histoire de coffre. Mettons nos capacités en commun ! Il n’est pas courant de voir un Ange et un Démon travailler de concert, mais si nous réussissons, nous serons un exemple pour tous !

Avait-il fait mouche ? La réponse de l’être ailé l’éclaira : oui ! Bien ! Parfait ! Ainsi le jeune Démon pourrait le surveiller très facilement. Ils se mirent en mouvement, avançant lentement d’abord, se dirigeant vers la grotte qu’Aïedal venait de quitter. Il demanda plus de précisions quand à ce coffre. Tout ce qu’il apprit était quasiment inutile : un vieux bougre avait perdu un coffre de valeur. Du moins, dont le contenu était de valeur. Super. Quête de folie pour un duo extravagant… qui s’arrêta devant l’orifice caverneux. Ils regardèrent à l’intérieur un moment, puis l’un des deux déclara très philosophiquement :

- C’est sombre.

Un silence, suivit d’un commentaire.

- Il faudrait de la lumière.

Deuxième silence.

- Je vais tenter quelque chose. COFFRE ! ES TU LA ?

Troisième silence, éloquent. Puis…

- Oui…

† Le soupir guttural, sombre, rocailleux, puissant, fit trembler une bonne partie de la montagne en sortant des tréfonds de la grotte. Le Démon écarquilla les yeux de surprise. Ils n’étaient pas seuls ! Quelque chose remua dans la noirceur. Puis une faible lueur orangée s’éveilla, dissipant la chape de ténèbres.

D'où l'Intérêt de la Torche

Faust retint un rictus de douleur pendant que le jeune démon lui répondait, désireux de ne pas donner l'impression d'une fragile pucelle. La plaie s'ouvrait toujours un peu plus lorsqu'il mettait ses ailes au repos et il était obligé de les maintenir relevées pour ne pas souffrir, c'était facheux. Mais par politesse, il fit abstraction.

Le petit personnage avait un ton un peu autoritaire, sans pour autant être particulièrement intimidant. Il avait surtout l'allure d'un jeune contrarié et l'ange ne laissa pas tomber son sourire avenant. Ils devaient faire la paire, comme ça. Le démon vexé et l'ailé béat. Cela dit, l'expression du paladin se mua en surprise lorsque l'autre évoqua l'idée de s'allier. Quel retournement de situation ! Faust fronça d'abord les sourcils, puis jeta un coup d'oeil derrière lui afin de s'assurer que c'était bien à lui qu'on parlait. Il hocha ensuite la tête, comme impressionné, et répondit en modérant son entrain pour faire plus sérieux.

« Ma foi, pourquoi pas ? A deux, on trouve toujours plus vite. »

Il laissa un court rire s'échapper de sa gorge et adressa à son nouveau compagnon un regard chaleureux. Après quelques secondes, il en vint à songer que, si le démon était après le même coffre, il y aurait rixe – mais cela ne lui faisait pas plus peur que ça. Les enjeux étant à peu près aussi grands que l'autre personnage avait l'air viril, il se convainquit sans trop de mal qu'un peu de sens de l'improvisation suffirait. Le duo comique se remua donc en direction de la grotte qu'ils venaient de quitter, comme s'il était parfaitement logique de chercher au seul endroit où ils avaient déjà été. Le démon posa quelques questions sur le fameux objet, sûrement dans l'honorable intention d'être d'autant plus efficace.

« Il appartient à un vieil homme du village au creux de la plaine. Il m'a envoyé le trouver car c'est à peu près tout ce qui lui reste, répondit Faust avec une neutralité plus enfantine que professionnelle. »

Il avait porté les mains à sa ceinture, décontracté, et fixait le noir avec toute la concentration du monde. Son accompagnateur semblait en faire autant. Ils étaient d'une monstrueuse efficacité, tous les deux. Malheureusement, l'obscurité était un immense obstacle à leur productivité et, cela était fort déplorable puisqu'ils y mettaient toute la volonté du monde. Faust prit la décision de dire ce qu'aucun d'eux n'avait osé admettre jusque là, de prendre le taureau par les cornes et de faire face à la difficulté de la tâche.

« C'est sombre. »

Après un silence pendant lequel les deux héros réfléchirent intensément à la manière de pallier le problème, le démon parvint à une conclusion des plus pertinentes. Le paladin acquiesca de la tête tout en affichant une mine contrariée. Bon sang, mais où trouveraient-ils de la lumière à cette heure de la journéee et dans un coin pareil ? La lumière, ça ne se trimballe pas au bout d'un bout de bois, après tout !
...
Dans la nature, je veux dire, bande de messieurs je-sais-tout ! Cessez de faire les malins.
Il fallait se rendre à l'évidence, la lumière ne viendrait pas eux. Le mutisme des chercheurs de coffres se prolongea dans la douleur et le regret, puis le plus menu des deux tenta de nouveau de sauver la situation. Lorsqu'il s'égosilla dans la grotte, Faust leva un sourcil et baissa les yeux dans sa direction. Original. Le silence qui s'en suivit le déçut pourtant plus qu'il ne l'aurait imaginé... Mais quand une voix caverneuse, grave, inhumaine répondit, le paladin ne se sentit pas non plus rassuré. Il fit un pas en arrière, les yeux ronds. Une lueur vint alors percer les ténèbres et Faust serra les dents en portant sa dextre à la garde de son arme.

« Qu'est-ce que... »

Il chercha le regard de son compagnon, puis posa de nouveau les pupilles sur la lumière chaude qui s'étendait. Elle baignait lentement les parois de la grotte, éclairant toujours plus les profondeurs. Bientôt, les saillies et autres stalactites se découpèrent clairement sur le fond et les deux acolytes purent admirer une majeure partie de la cavité rocheuse. La source de la clarté approchait et une forme rectangulaire apparut sur le sol, de couleur boisée. Sur le devant, un tache dorée trouée d'une serrure s'apparentait à un cadenas et au dessus...

« Ah bah tiens, le voilà, notre coffre. »

Bien joué, les garçons.

» Aïedal Morang'dar, la Flamme bleu du Destin.
» La quête des ciseaux disparus - Aïedal Morang'dar -